Le microbiote
15 juillet 2025
À première vue, le cerveau et les intestins semblent fonctionner de manière indépendante, chacun dans son propre domaine.
Le cerveau, chef d’orchestre du système nerveux, contrôle les émotions, les pensées, les mouvements volontaires et régule l’activité hormonale.
Les intestins, eux, assurent la digestion et l’absorption des nutriments, et assurent un rôle majeur dans l’immunité. Ils hébergent le microbiote intestinal, acteur clé de la santé, capable de produire des neurotransmetteurs comme la sérotonine.
Pourtant, cerveau et intestins ont une similitude remarquable: ils contrôlent tous les deux des fonction vitales. Beaucoup d’entre vous le saviez pour le cerveau, mais moins pour les intestins. Et oui, les intestins abritent le système nerveux entérique que l’on surnomme aussi plus communément « deuxième cerveau ».
Et puis, ils sont aussi loin d’être indépendants. Ils communiquent en effet énormément, et dans les deux sens ! Leur dialogue permanent fait d’ailleurs l’objet d’un champ de recherche en pleine expansion aujourd’hui : la neurogastroentérologie (lien Wikipédia).
Ces dernières années, l’intérêt pour les relations entre intestin et cerveau s’est largement renforcé, en grande partie grâce à la mise en lumière du rôle central joué par les micro-organismes intestinaux dans le maintien de la santé.
Chez une personne en bonne santé, le tube digestif abrite une masse microbienne de plus d’un kilogramme, composée de plusieurs dizaines de milliers de milliards de micro-organismes, en particulier des bactéries. À titre de comparaison, cette population bactérienne dépasse de loin le nombre total de cellules humaines que contient notre corps.
La majeure partie de ces microbes réside dans le côlon, et forme un ensemble connu sous le nom de microbiote intestinal. Bien que ce microbiote soit capable d’évoluer au fil du temps, notamment en fonction de l’âge ou de l’alimentation, il reste relativement stable une fois qu’un équilibre sain s’est installé. Ce sont alors des groupes diversifiés de bactéries qui coexistent, interagissent, et collaborent entre elles, tout en soutenant activement le fonctionnement de leur hôte, c’est-à-dire nous !
Les chercheurs ont précisément identifié cette communauté bactérienne comme jouant un rôle central dans l’interconnexion entre les intestins et le cerveau. Cette découverte a conduit à l’élaboration du concept d’axe cerveau–intestins.
Dans la section suivante, nous allons explorer en quoi cet axe de communication est fondamentalement bidirectionnel.
En attendant, pour en savoir plus sur le microbiote, je vous invite à regarder cette vidéo faite par le Réseau Canopé :
Troubles de l’humeur et autres troubles psychiatriques
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS ont découvert un lien entre déséquilibre du microbiote intestinal et de la dépression. Leur étude, publiée dans Nature Communications le 11 décembre 2020, démontre que des modifications de la composition bactérienne de l’intestin, induites par un stress chronique, peuvent entraîner une chute significative de certains métabolites lipidiques dans le sang et le cerveau. Ces molécules, qui agissent sur les mêmes récepteurs que le cannabis, jouent un rôle essentiel dans la gestion de l’humeur.
D’ailleurs, comme le reportent les conclusions d’une autre étude publiées en 2023, les chercheurs ont aussi observé qu’en transférant le microbiote d’un animal déprimé à un animal sain, ce dernier développait des signes de dépression. A l’inverse, en réintroduisant certaines bonnes bactéries, les symptômes s’amélioraient.
Une autre étude, une méta-analyse de 59 études conduite en 2021, a examiné comment le microbiote intestinal intervient dans plusieurs troubles psychiatriques comme la dépression, la schizophrénie, la psychose, les troubles bipolaires ou l’anorexie. Les chercheurs ont identifié certaines bactéries comme dénominateurs communs à ces troubles. Ils ont constaté une réduction fréquente de Faecalibacterium et Coprococcus, et une augmentation d’Eggerthella dans plusieurs pathologies. Ils ont également retrouvé davantage de Lactobacillus, une bactérie souvent présente dans les probiotiques, dans de nombreux cas.
Cognition et comportement social
Des recherches récentes ont montré que les bactéries intestinales peuvent aussi influencer nos comportements sociaux. Des chercheurs ont en effet exploré l’influence de la composition du microbiote sur la prise de décision sociale, et en particulier sur le phénomène de « punition altruiste ». La punition altruiste est un comportement par lequel un individu rejette une offre perçue comme injuste, même au détriment de son propre intérêt.
Dans cette étude, des participants ont reçu pendant sept semaines un complément alimentaire contenant des probiotiques et des prébiotiques sans modification de leur régime alimentaire habituel. Les chercheurs ont évalué la composition du microbiote intestinal et les niveaux de deux précurseurs de neurotransmetteurs avant et après l’intervention. Ils ont évalué la tyrosine (précurseur de la dopamine) et le tryptophane (précurseur de la sérotonine). Les chercheurs ont mesuré le comportement social en utilisant le jeu de l’ultimatum, une tâche classique en économie comportementale. Les résultats montrent que les participants ayant reçu le traitement rejetaient plus souvent des offres injustes, et affichaient des changements dans leur microbiote.
Troubles du neurodéveloppement
Plusieurs études ont mis en évidence un lien entre l’obésité maternelle, souvent corrélée à un déséquilibre du microbiote intestinal, et une prévalence accrue des troubles du spectre autistique (TSA) chez les enfants. Les chercheurs soulignent également que le risque de TSA serait significativement accru chez certains enfants dont la mère a souffert d’une infection (grippe, gastro-entérite…) lors du premier trimestre de grossesse.
Ces observations suggèrent que l’état du microbiote maternel pourrait influencer le développement neurodéveloppemental du fœtus. Par ailleurs, chez les enfants déjà diagnostiqués avec un TSA, certaines approches thérapeutiques ciblant le microbiote, telles que l’administration d’antibiotiques spécifiques ou la transplantation de microbiote fécal sain, ont montré des effets positifs sur certains symptômes. Ceci ouvre ainsi la voie à de nouvelles pistes d’intervention.
Le stress nourrit les mauvaises bactéries
Un stress, même bref, modifie la composition de notre microbiote. En seulement deux heures de stress social, il perturbe l’équilibre entre les grandes familles bactériennes. Certaines mauvaises bactéries peuvent se développer plus rapidement et peuvent provoquer des infections sévères On a identifié par exemple l’Escherichia coli O157:H7, Pseudomonas aeruginosa, Campylobacter jejuni, ou Pseudomonas fluorescens.
Par ailleurs, un stress intense rend aussi l’intestin plus perméable. Cela signifie que des fragments de bactéries ou des molécules étrangères peuvent traverser la barrière intestinale et provoquer une inflammation.
Mais, comment ça fonctionne, dans le fond ?
L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA)
Cette réponse au stress se fait par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) qui envoie au système nerveux autonome divers signaux chimiques comme par exemple des neurotransmetteurs (noradrénaline, adrénaline, sérotonine, ou GABA). Ces signaux influencent la motricité intestinale (le transit), la production de mucus et d’acide, et la réponse immunitaire. Ce sont ces éléments qui modifient le milieu de vie des bactéries intestinales. En effet, les modifications du transit et de l’environnement chimique de l’intestin peuvent profondément perturber l’équilibre du microbiote lorsqu’elles sont chroniques. Ce déséquilibre impacte à son tour la communication intestin-cerveau, créant parfois un véritable cercle vicieux entre stress, digestion et santé mentale.
Stress maternel et microbiote du nourrisson
Le stress pendant la grossesse ne se contente pas d’affecter la mère. Il influence aussi le développement du bébé, notamment par l’intermédiaire du microbiote intestinal. Les bébés dont les mères avaient vécu un stress élevé pendant la grossesse avaient un microbiote déséquilibré. Ils avaient plus de protéobactéries, un groupe de bactéries souvent liées à l’inflammation et aux infections (comme Escherichia, Serratia ou Enterobacter). En revanche, ils avaient moins de bonnes bactéries comme les Lactobacillus, les Bifidobacterium ou les Lactococcus. Ces bactéries jouent un rôle important dans la digestion et la défense immunitaire. Ce déséquilibre bactérien provoquait davantage de troubles digestifs (coliques, ballonnements) et les mères rapportaient aussi plus de signes allergiques.
Rythmes circadiens et flore intestinale : une horloge interne pour nos bactéries
Notre corps fonctionne selon un rythme biologique appelé « rythme circadien », qui suit un cycle de 24 heures. Ce rythme est contrôlé par une horloge centrale située dans le cerveau. Il régule des fonctions comme le sommeil, la température, la production d’hormones… et même la flore intestinale (PMID: 27793218)
Et oui, la composition du microbiote change au fil de la journée. Certaines familles bactériennes augmentent ou diminuent selon les moments, en lien avec les repas, la digestion, et le métabolisme. Nos habitudes alimentaires influencent ces fluctuations. Manger à heures fixes favorise une alternance saine entre les différentes espèces bactériennes. Des horaires irréguliers (ou nocturnes) perturbent cet équilibre.
Les hormones influencées par l’horloge biologique, comme la mélatonine (liée au sommeil), le cortisol (hormone du stress), ou encore l’insuline (liée au métabolisme du sucre), modifient aussi le fonctionnement de l’intestin et donc la composition du microbiote.
Mais lorsque nous perturbons ces rythmes, par le travail de nuit, le jet lag ou un manque chronique de sommeil, nous faisons souffrir notre microbiote. On observe alors une baisse de la diversité bactérienne, une augmentation des espèces pro-inflammatoires et une fragilité accrue de la barrière intestinale. Ces changements favorisent l’apparition de troubles métaboliques (prise de poids, diabète), de maladies inflammatoires, et même de déséquilibres psychiques.
Bref, votre cerveau n’est jamais vraiment seul… il discute constamment avec vos intestins. Et parfois, ça tourne à la dispute.
Alors si vous pensiez que vos sautes d’humeur ou vos coups de fatigue sortaient de nulle part, jetez peut-être un œil dans votre assiette (et dans vos bactéries).
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